
Vendanges : le repos dominical au seul bon vouloir du patronat viticole
Malgré les résultats aux dernières élections législatives, la casse des droits des travailleurs s’intensifie. Par un décret publié le 10 juillet 2024 au Journal officiel, le gouvernement Macron-Attal a assoupli les règles concernant le jour de repos hebdomadaire pour les travailleurs. Considérant « les récoltes réalisées manuellement » comme « des travaux dont l’exécution ne peut être différée », ce décret ouvre la possibilité de « la suspension du repos hebdomadaire » pour les travailleurs dans la limite d’« une fois au plus sur une période de 30 jours ». Les propriétaires vignerons et leurs soutiens politiques se sont réjouis de cette décision. Dans un communiqué diffusé sur X (ex-Twitter) le 10 juillet 2024, quatre parlementaires de la Marne, apparentés à la coalition macroniste Ensemble pour la République, se sont félicités de l’adoption de ce décret en faisant l’apologie « du pragmatisme et de la simplification normative. »
Ce décret constitue une nouvelle réforme anti-ouvrière : les vignerons disposent déjà de dérogations concernant le temps de travail, pouvant faire travailler leurs vendangeurs jusqu’à 60 heures hebdomadaires et même parfois 72 heures au lieu des 48 heures légales. Au moins 6 saisonniers sont morts en une semaine dans les vignobles, 2 dans le Rhône et 4 dans la Marne, au cours de vendanges particulièrement éprouvantes suite aux températures caniculaires. Une enquête « pour traite d’êtres humains » est toujours en cours au parquet de Châlons-en-Champagne (51), puisque l’inspection du travail a découvert qu’une soixantaine de travailleurs d’une exploitation viticole, la plupart sans papiers, étaient exploités et logés dans des conditions indignes. L’un d’eux témoigne : ils travaillaient sans protection et sans gants sous les menaces constantes d’un garde, le plus souvent avec un couteau, et logeant dans une maison insalubre avec des matelas gonflables « qui sentaient tellement mauvais que je me demande s’ils n’avaient pas été ramassés dans des poubelles. » S’exprimant sur le décret du 10 juillet 2024, le secrétaire général adjoint de l’inter-syndicat CGT Champagne Philippe Cothenet dénonce une décision « qui ne [va] dans le sens ni de meilleures conditions de travail ni d’une meilleure sécurité » et n’étant qu’« à l’avantage de l’employeur ». Bien que la suppression du jour de repos hebdomadaire « entérine une pratique qui existait déjà », « cet assouplissement devait être demandé auprès de la direction régionale du travail et il fallait justifier de circonstances exceptionnelles ». Or « il arrivait régulièrement que les demandes de dérogations soient refusées ». Sur l’emploi de travailleurs sans-papiers, le secrétaire général adjoint déclare que « cela fait des années [que] des sociétés de prestations – qui, parfois, se créent, juste pour la période des vendanges – s’installent pour amener de la main-d’œuvre étrangère, venant de l’Est de l’Europe et de plus en plus d’Afrique de l’Ouest, qu’elles exploitent. » Et « ces gens-là n’iront jamais […] aux prud’hommes », sont payés à la tâche, au nombre de kilos cueillis, quelques dizaines d’euros par jour, dégradant leurs conditions de travail. » Philippe Cothenet s’exprime sur l’importance économique du secteur viticole en Champagne : « plus de 100 000 […] saisonniers […] travaillent sur les 35 000 hectares de vignobles sur une quinzaine de jours ». Alors qu’« on est dans une précarisation des salariés », la Champagne a généré « 6,3 milliards € de chiffre d’affaires [en 2023], dont deux tiers par le vignoble » et produisant un raisin se négociant « entre 8 et 12 € le kilo, le plus cher du monde. »
Des contrats précaires spécifiques…
Selon une enquête de la DARES, division du Ministère du travail produisant des analyses, des études et des statistiques sur l’emploi, plus d’un million de personnes ont eu au moins un contrat saisonnier en France, hors Mayotte, entre 2018 et 2019. Plus d’un quart d’entre eux travaille dans l’agriculture où ils représentent un tiers de l’emploi, plus particulièrement dans la récolte des fruits et notamment lors des vendanges. Les travailleurs saisonniers sont des ouvriers non qualifiés à 90% d’entre eux, à 62% des hommes, et sont en moyenne âgés de 36 ans. En moyenne, un contrat saisonnier dure 2 mois, avec 55% de ces travailleurs qui complètent leur activité avec au moins un autre emploi salarié privé durant 12 mois, et 45% qui n’ont pas d’autre contrat durant l’année. Pour la DARES, 270 000 travailleurs saisonniers étaient employés dans le secteur agricole entre avril 2018 et mars 2019, avec un recours plus intensif en juillet et en août, principalement pour la culture de légumes et de fruits, et en septembre pour la culture de fruits notamment de la vigne. Il y a plusieurs types de contrats de travail pour les emplois saisonniers dans l’agriculture, comme les CDD saisonniers ou le contrat vendanges. Se distinguant d’un CDD classique, il permet aux employeurs d’y avoir recours exclusivement pour des tâches se répétant d’une année sur l’autre, et pour des durées n’excédant pas plus de 8 mois. Il ne permet pas la requalification en CDI ni le versement de la prime de précarité. Le contrat vendanges est un contrat de travail spécial pour les vendanges d’une durée maximale d’un mois et avec exonération des cotisations salariales maladie et vieillesse, d’autant plus que le patronat du secteur agricole bénéficie d’exonérations de certaines cotisations jusqu’au 31 décembre 2025, remplacé par la réduction générale de cotisations patronales.
La question de la propriété des vignobles : à côté de milliers de petits viticulteurs, de grands vignerons et des monopoles se partagent les exploitations viticoles. Outre le monopole français du luxe LVMH, par sa division Vins et Spiritueux, qui possède 27 maisons et a généré 6602 millions de ventes en 2023, la famille Pinault, via le monopole du luxe Kering, possède aussi son empire viticole et a uni ses forces avec la famille Henriot pour mettre en commun leurs domaines viticoles respectifs au sein d’un nouvel ensemble pour peser. Il y a aussi le monopole français des vins et spiritueux Pernod-Ricard, annonçant 9,9 milliards € de chiffre d’affaires en 2018, mais dont les spiritueux représentent 66% de ce chiffre. Le monopole des assurances Axa a également investi dans la production viticole et le groupe Dassault, via sa filiale « Dassault Wine Estates », possède 3 maisons et est très présent dans le secteur. Depuis la pandémie de Covid-19, les grands groupes de luxe se disputent les vignobles les plus prestigieux du monde avec la reprise de la consommation mondiale de vin, atteignant 236 millions d’hectolitres grâce à la réouverture des bars et des cafés ainsi qu’à la reprise du tourisme et des événements, et des exportations mondiales ayant atteint le chiffre record de 34,3 milliards €. La fièvre spéculative s’est emparée des vignobles, comme en Bourgogne ou dans le Bordelais. Contrairement à la propagande bourgeoise qui a su faire peur à la paysannerie en présentant les collectivistes et les « partageux » comme les ennemis de la petite exploitation agricole, c’est la concentration toujours plus intense des terres entre une poignée de grands propriétaires fonciers qui bénéficient des plus grosses aides agricoles et qui ruine les petits paysans.
La paysannerie n’est pas une classe homogène, car elle se divise entre ouvriers agricoles, paysans-travailleurs, petits exploitants agricoles (petits-bourgeois) et grands capitalistes agraires. L’intérêt des petits exploitants agricoles et des paysans travailleurs est de s’unir aux luttes de la classe ouvrière, dans les exploitations agricoles comme dans les sites industriels, pour faire triompher leurs revendications et s’attaquer à la source du problème qu’est le capitalisme, fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échanges entre les mains d’une minorité d’exploiteurs, avec sa loi du profit maximum et la spéculation. De ce mode de production découle l’exploitation des humains, la stagnation voire la baisse des salaires, l’inflation, la casse des conditions de travail et de vie, le chantage à l’emploi, et le chômage...
Toute la démarche du Parti Communiste Révolutionnaire de France, consiste à démontrer, auprès de la classe ouvrière et de toutes les victimes du capitalisme, que seul son renversement révolutionnaire associé à l’édification du Socialisme-Communisme permettra la satisfaction des revendications, aspirations et besoins du peuple-travailleur. Notre Parti, conscient que l’actuelle crise du capitalisme frappe le monde paysan, avec des conséquences sur les prix alimentaires, le développement agricole et l’intensification de la crise climatique, propose le développement de coopératives agricoles au sein desquelles tout ce qui est nécessaire à la production (le matériel, les machines, la terre, etc) soit mis en commun et géré démocratiquement par les agriculteurs et éleveurs eux-mêmes ; cela permettra d’accroître les rendements agricoles sans impacter l’environnement, et d’améliorer la vie de chaque agriculteur, éleveur et paysan qui en est membre (droit au repos, aux congés, à une meilleure assurance santé, etc.).
Seul le socialisme-communisme permettra ce progrès durablement, car cette société sera fondée sur la propriété collective de tous les moyens de production et d’échanges entre les mains de tous les travailleurs de la société, sur la construction de l’appareil d’État de la classe ouvrière après le bris de l’État bourgeois, avec la planification centralisée et démocratique de la production pour répondre aux besoins des populations et des territoires. La démonstration en est apportée par l’exemple de l’URSS lors de sa phase ascendante. Premier pays au monde à liquider l’exploitation capitaliste par la socialisation de la terre et de l’industrie, grâce à la nature de classe de l’État prolétarien, et dans lequel les produits du travail appartenaient pour la première fois dans l’histoire de l’humanité à tous les membres de la société, ces nouveaux rapports de production ont fait que la journée de travail se divisait alors en travail pour soi (salaire) et en travail pour la société, c’est-à-dire pour l’investissement productif et les besoins sociaux et collectifs (santé, éducation, logement, transport, accès à la culture et aux loisirs, etc.) inaccessibles à l’ensemble des prolétaires des pays capitalistes. Dans les campagnes, le passage au sovkhoze (propriété socialisée paysanne) ou à l’économie kolkhozienne, et donc à la propriété coopérative paysanne, transforma profondément la vie rurale en solidifiant l’alliance des ouvriers et des paysans notamment avec les stations de machines-tracteurs, gratuites et entretenues par des ouvriers, en permettant une agriculture respectant l’environnement avec une baisse continue des prix alimentaires, améliorant les conditions de travail et la vie de la paysannerie. La socialisation des monopoles de l’agroalimentaire, de la chimie et de la grande distribution, des banques et assurances, ainsi que de la grande propriété foncière, entre les mains de ceux qui la travaillent, et une politique d’industrialisation pour fournir machines-outils agricoles et produits phytosanitaires, permettront une production agricole autosuffisante, saine, écologique, abordable et respectueuse des conditions de travail.